BRIGITTE FONTAINE - Comme à la radio

Publié le par Esther

Ah…. Fût une époque, ze rebelle attitude, c’était avoir une coupe de cheveux digne d’un dessous de bras de Yéti, une barbe de six mois où toute une faune fraîchement débarquée de Microcosmos créchait H 24, des godillots fumants, des frocs délavés (jamais lavés ?), tout en dégageant une odeur de bouquetin mort depuis 3 semaines. Et là, c’était la classe ! Surtout si vous aviez un badge « Love & Peace » ? Mais qu’est donc devenue cette jeunesse à frange ? Elle s’est dégarnie, devenue banquière, roule en mercos, écoute Benjamin Biolay et Charlotte Gainsbourg, parce que Telerama trouve ça super !

 

Et aujourd’hui, la rebelle attitude ? C’est avoir du gel bien plaqué, un jean descendant jusqu’aux genoux pour voir le calcif Kalvin Klein, un Ipod 8 Go plein  bourré de musiques téléchargées sans pochette, sans nom, sans vie…(qui a dit sans musique ?). Bref, aujourd’hui, je suis un vieux con. Avant l’âge. J’achète des vinyles ! Je les écoute sur une platine. Un gros taré ! « Putain, y’a encore des blaireaux pour acheter des disques ! » ai-je entendu dire un môme, un jour où je farfouillais les rayons vinyles d’une enseigne connue. Y’a bien des blaireaux pour porter des Tee-shirt « F…ck Me I’m Famous ! » Oh là là, comment c’est trop la rebelle attitude ! Même pas foutu d’assumer au bout le slogan ! Enfin, bref, je sens que j’m’énerve !

 

Du coup, parlons rebelle ! Les vrais ! Les purs et durs ! Un exemple ? Brigitte Fontaine ! Et son compositeur de compagnion, Areski Belkacem. Dans le genre allumés, en France, nous avons rarement connus mieux. Après trois disques passés relativement inaperçus avec Higelin, et quelques succès au théâtre, les deux compères publient « Comme à la Radio » qui restera probablement l’œuvre la plus aboutie de la chanteuse – compositrice – actrice – foldingue – rigolote. « Mon Dieu, mon Dieu, merci d’avoir inventé Marx ! Vous étiez pas forcé ! ». 1 minute, pour une « chanson » qui résume presque à elle seule ce disque totalement hors norme. On y croise la poésie désinvolte, à l’envi, rose ou noire de Fontaine, la musique « world » de Belkacem, accompagné, pour l’occasion de l’Art Ensemble of Chicago. C’est rien de dire que le mélange est littéralement explosif et hypnotisant ! Passionnant de bout en bout tellement ce disque ne ressemble à aucun autre, il se moque des rimes, se moque des structures, et surtout des normes. Ici, la musique est un art à l’état pur, on la pratique comme on la sent, sans contrainte commerciale, sans pression, avec passion tout simplement.

« J’ai 26 ans, mais seulement 4 d’utiles…. » s’amuse-t-elle ici, jusqu’au formidable « Monsieur le chef de Gare… », Fontaine multiplie les textes suréalistes, au sein d’une musique fantomatique et parfois oppressante. Entre rires et terreur, entre douceur, simplicité et tension, sophistication.

 

Encore aujourd’hui, ce disque, s’il possède un statut de disque culte, et à part dans le paysage musical français, reste relativement méconnu. Soit l’on nous rabâche les Julien Clerc et les Clolo, soit on nous rappelle les (certes sublimes) Brassens, Barbara, mais peu de place est faite à cette dame totalement hors du commun qui n’en a rien à foutre de rien, qui emmerde son monde comme elle en a envie et surtout qui ne se prend pas vraiment au sérieux. Faussement allumée ou totalement ravagée, qui peut savoir ? Mais finalement qui s’en soucie ? Le fait est que ce disque est un pur chef d’œuvre, et être tombé dessus lors d’une brocante minable, dans un parfait état, et pour une somme aussi dérisoire qu’un Euro tient tout bonnement du miracle.

 

Un peu comme ce disque qui, de par son osmose, sa cohérence, tient sur le fil, et qui tend parfois à se casser la gueule mais finit toujours par retomber sur ses pieds, est ni plus ni moins un véritable miracle à redécouvrir d’urgence.

 

Publié dans vinyle

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P
<br /> C'est de la bonne ces deux derniers articles.<br /> <br /> <br />
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