SLEEPY JOHN ESTES - I Ain't Gonna Be Worried No More
J'ai récemment pu constater que si mon intérêt pour les dernières nouveautés s'émousse chaque jour un peu plus, je développe un goût de plus en plus prononcé pour les antiquailles certifiées limite début du siècle. C'est le côté "gueule cassée" de Sleepy John Estes qui m'a d'abord interpellé. Maître Oyster a souvent parlé de ce disque en n'en disant que du bien, et sur la bonne impression d'un extrait, je me suis laissé tenté. Autant le dire sans détour, c'est le pied.
Si je ne suis pas un fin connaisseur de la chose Blues, je sais en revanche ce qui me plaît ou pas en la matière... Autant en Jazz, il m'arrive de rester perplexe à l'écoute d'un disque, en me demandant si j'ai aimé ou pas, autant en Blues, c'est net clair et précis. C'est simple, dès qu'il y a plus de trois instrument maxi, le blues me plaît déjà moins. Un mec, une vie passée dans les champs de coton, une guitare vaguement accordée, des textes ou Diable, femmes, alcool et détresse font bon ménage (même si c'est souvent bien plus complexe que ça), et cela suffit à mon bonheur.
Sleepy John Estes fait parti de ces gars qui vous touche au plus près, à la fleur de votre peau, avec une poignée d'accords et surtout, une voix écorchée hors du commun. Je maîtrise mal, comme je l'avoue plus haut, la chose blues, et je tâtonne encore pas mal en la matière, mais Bon Dieu, que c'est bon. La maison d'édition, absolument excellente, Monk, réédite les plus grands mais aussi les plus obscurs bluesman, avec une classe et une sobriété limite fascinante. Ce qui est assez étrange à écouter, lorsque l'on écoute la chose en vinyle, c'est cette différence dans les niveaux de craquements. Il y a le craquement original, puisque les disques ont été repompés sur des disques originaux, et le craquement du pressage actuel, plus cristallin, forcément.
En attendant, Sleepy John Estes vous chante la vie comme si la sienne en dépendait, et avec une légitimité qui vous saute à la gueule, et qui fera peut-être comprendre au monde, la différence fondamentale entre un Eric Clapton ou un Poppa Chubby et un Sleepy John Estes.
Il finira sa vie aveugle, après l'avoir passé borgne, et sans un sou, mais avec des tas de trésors à son actif.
PS: Merci à Oyster pour cette sublime découverte, et pour me laisser gracieusement jouir de l'usage de sa photographie....