Richard Pinhas & John Livengood - Cyborg Sally (1994)
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Richard Pinhas & John Livengood - Cyborg Sally (1994)
Avec une impressionnante régularité, l'équipe de Souffle Continu multiplie les rééditions qui côtoient l'excellence à chaque parution. Les premières rééditions du label concernaient les premier travaux de RICHARD PINHAS et voici donc que Souffle Continu nous replonge dans son univers, comme pour soutenir un écho de plus en plus grandissant à sa musique que j'avoue humblement découvrir au fil des multiples rééditions, et ce, sur différents labels. Après une pause d'environ dix ans, Richard Pinhas s'est replongé dans la musique au début des années 90, pour collaborer notamment avec John Livengood, ex - Red Noise (autre réédition passionnante du label Souffle Continu avec le fils de Boris Vian) et Spacecraft sur un album répondant au nom de « Cyborg Sally ». Un titre qui rappelle Klaus Schulzse, même si les premières notes rappellent le Space-Rock (les dix premières secondes du disque m'ont même évoqué David Gilmour), les sonorités s'accrochent bien vite au monde purement électronique, voire à celui plus délicat à aborder de l'indus. Mais ne nous y trompons pas, si la musique est jouée par des machines, elle n'en reste pas moins étonnamment organique. Certes, les boîtes à rythmes ne trompent personne, notamment sur la période d'enregistrement, et ici ou là, on peut penser aux premiers essais de Nine Inch Nails, comme j'ai pu le lire ici ou là. Mais bien vite, on se rend compte que l'alchimie entre les deux musiciens provoque un glissement de terrain magistral, et la guitare toujours plus incisive de Richard Pinhas ne cesse le dessiner des arabesques étonnantes et chavirées comme sur l'épatant « Rock Machine : Red Ripe Anarchy « qui tangue à chaque accord. C'est un voyage dépaysant dans un monde inédit mêlant l'Orient et l'Allemagne. Un transit qui durera une heure environ, durant lequel Richard Pinhas et John Livengood semblent se débattre entre eux, mais également avec l'auditeur pour entrer parfois en force dans l'univers de la partie adverse. Et puis, la symbiose s'installe, se loge en vous et le voyage appelle peu à peu au confort. La production se réfère clairement aux années 90, mais au-delà de cette marque de fabrique, les multiples références se bousculent à l'entrée, et les décennies se mélangent, dans un panachage maîtrisé qui rend l'ensemble inédit. Le disque possède cette singularité d'être tout à tour oppressant, planant, dérangeant, aérien, laissant le répit nécessaire pour ne pas se sentir acculé et rendant ainsi ce road trip finalement assez abordable. Malgré tout, certains arrivages ne se font pas sans mal, comme sur « Nuke », où le batteur Antoine Paganotti (fils de son bassiste de père, suivez bien, j'en reparle plus bas), assène des coups étouffées sur une batterie presque hystérique. « Cyborg Sally » est un album à la texture étrangement en phase avec son thème, froide mais personnelle, en osmose complète avec son époque, comme sur « Moira » qui semble tout droit sorti d'un album de Tangerine Dream remixé par la nouvelle scène indus. Inspiré par « Rock Machine » de l'écrivain Norman Spirad, l'ensemble du disque semble nous conter l'univers cybernétique au plus près d'une réalité pourtant fantasmée. La fin du voyage nous mène vers un univers apaisé, parfois ambient, parfois ritournelle de manège, avant de sombrer une dernière fois pour une vignette chaotique et maladive, comme pour nous prévenir que l'avenir que l'on nous promet si beau est en fait probablement bien plus cauchemardesque.