SIGNS OF THE SILHOUETTE – Nu
Signs Of The Silhouette, mené par l’excellent guitariste Jorgue Nuno et son acolyte Jaolo Paulo à la batterie voit sortir son nouvel opus, Nu ! En cette année 2016. Loin de suivre un sillon entamé lors du précédent album, le duo aurait pu jouer la surenchère, puisqu'ils maîtrisaient leurs marques à la perfection et s'assurer ainsi an moins un retour facile de ce qui avait déjà été acquis.
Il n'en est rien, Dès les premières secondes, Signs Of the Silhouette, prend un chemin de traverse tout simplement pour ne pas s'aventurer sur des chemins par trop balisés lors de leur précédent album. Et ce, dès l'apparition d'un élément nouveau : le piano. Bon nombre de groupes ont su trouver leur sillon en le gardant précieusement, ne cessant ainsi de le creuser sans se rendre compte que l'on finit par tourner en rond pour finalement proposer toujours en encore le même disque ; Si les bases, et donc les risques de l'improvisation restent les mêmes, Signs of the Silhouette souhaite dès le départ faire comprendre qu'il ne s'agit pas tout à fait de la même chose. Quelques choses ne tiendront pas en place. Un élément de taille vient de toute façon mettre un terme à ce mur du son qui caractérisait tant le précédent opus : Ici, si l'économie de moyens est usitée, c'est avant tout pour laisser l'espace s'exprimer ; Rien de plus évocateur qu'une plage de silence dès les premières secondes., notamment lors de ce troisième morceau « Throw », où les silences relatifs envahissent les grands espaces des plages perdues. Ici, la tonalité est clairement jazz. Un jazz déluré où se mèle la guitare électrique, mais malgré la tension qui ne cesse de s'accroître, c'est le swing qui mène la danse. Ces plages perdurent toujours autant, mais elles dominent le temps grâce au silence, oui, mais amère, celui qui finalement ne peut garder longtemps les guitares qui se mettent alors à rugir, les pluies de feedback se font diluviennes mais le piano reste toujours omniprésent comme pour équilibrer, calmer les esprits qui s’échauffaient . L’improvisation s'étoffe alors, et l'auditeur est assaillit de toute part, se développant peu à peu sur les 18 minutes que durent « throw ». Ce qui surprend le plus, c'est encore cette alchimie permanente qui prend malgré tout l'ensemble des styles évoqués. A tendre l'oreille, on y croise le jazz, le le noise rock, le post-rock, le free-rock absolu et pourtant pas un seul instant, la basse ne semble désarçonnée, au contraire. Alors que tout monte peu à peu vers le chaos, vers un cataclysme affolé qui ne semble plus trouver d'issue, le groupe tient les rennes d'une façon étonnante et part dans une improvisation free jazz qui contraste étonnamment avec le début du disque et plus encore avec le disque précédent. Ce qui est certain, c'est que chaque musicien sait jouer à la virgule, aucun ne se trouve là par hasard, les motifs de chacun s'enchaînant et se mariant à la perfection avec les autres même lorsqu'il s'agit de redescendre de cet orgasme collectif, la tension retombe peu à peu mais les saillies guitaristiques, au fond, noyées sur une réverbération persistent à tenir l'auditeur en haleine .
Après de tels ébats, l'on pense que le final va nous épargner et nous accorder quelques secondes de repos, mais c'est sans compter la batterie qui s'acharne tout à coup à développer des motifs déconstruits sans véritable structure tout en gardant une rythmique régulière, alors que basse et guitare martèlent de concert. La betterie se fait alors étrangement groovy, régulière, et intense pour soutenir un piano de plus en plus martelé.
Les paysages s'assombrissent, toujours un peu plus et l'orage menace, gronde, mais jamais ne viendra à exploser véritablement, ou alors insidieusement. Post-rock ? Jazz, noise ? Et s'il s'agissait tout simplement de musique vivante, la plus vivante qui soit, celle que l'on improvise, qui vit, que l'on ne joue pas à la note près devant des milliers de spectateurs. De ces musiques qui vous fracassent en deux d'émotion, qui vous bouleversent, qui vous tirent la larme à l'oeil, même avec une conclusion en forme d’apocalypse fait de larsens. Signs Of The Silhouette signe ici un disque d'une richesse étonnante de par ses ambiances variées et lourdes de conséquences. La note inutile est jouée ailleurs, chez les autres, mais loin d'eux. Alternant les ambiances avec une facilité déconcertante, et ce, même au sein d'un seul et même titre, ce qui est finalement assez rare, le disque brille par sa matière précieuse récupérable sans tamis. Ce disque ne peut s'écouter entre deux portes, ou au cours d'une conversation, il faut rester avec lui car il vous tient la main et vous emmène ailleurs. La seule contrainte : Saurez-vous retrouver le chemin de votre propre tête une fois ce disque formidable terminé.