BARDO POND - Bardo Pond
Faut-il le rappeler: il est interdit de fumer dans les lieux publics. Et ce, quelque soit la camelote que l'on s'envoie dans les poumons... Non, je dis ça, car à l'évidence, les membres de Bardo Pond ont un peu oublié la loi en enregistrant leur musique. On était habitué aux ambiances enfumées, voire fumeuses, sur les derniers opus. Mais, force est de constater qu'ils ont probablement nivelé leur consommation de substances illicites par le haut.
Sorti fin 2010, je n'ai pas parlé de ce disque. D'abord parce que La Myre, mon cop@in de Ma Main Dans Ton Disque, en a déjà parlé sur son blog en fin d'année dernière et parce que je n'avais pas encore ce disque. Ecouté, ça oui, mais comme à mon habitude, d'une oreille distraite. Et me voici donc face à la bête... Oui, ce disque est une bête hurlante qui tente par tous les moyens de vous égorger... Dès le premier titre, c'est Cat power qui joue les choristes chez Slint, Sonic Youth ou Godspeed... choisi ton camp, camarade. La chanteuse, dont la voix est systématiquement doublée et décalée, chante juste... Mais visiblement, elle chante une autre chanson que celle que le reste du groupe joue. L'intro se passe en douceur, avec une guitare folk dès plus caressante, et tout à coup, Mogwai se fait battre sur son propre terrain en deux accords. "Just Once" résume en quelques minutes l'ambiance globale du disque: inquiétante, entêtante, prenante, une ambiance qui hante jusqu'à l'oxygène... qui étouffe l'auditeur. Le mur du son explose, et tout semble s'emballer. Isobel continue son chant faussement détaché sur le second titre, plus concis, et bruyant encore, pour augmenter la tension, jusqu'au chaos que les Sonic Youth ne renieraient pas.
C'est alors que tout s'arrête. Surtout les moins courageux des auditeurs. "Sleeping", en forme de long prélude où dominent guitares folk et flutes évaporées... Quelque part entre le Cocteau Twins des premières heures et les errances psyché d'un Gong. Prélude? Oui, car la montagne que l'on s'apprête ensuite à gravir n'est pas à mettre entre tous les piolets. 20 minutes d'une longue montée où Isobel se prend alors pour PJ Harvey sur fond sonore à la Godspeed You Black Emperor... Les orientations orientales se sont effacées sur ce disque, mais les longues divagations sonores se multiplient alors et c'est là que tout se joue. Soit ils perdent leur auditeur, soit ils le captivent. Dans mon cas, vous l'aurez compris, je fonds littéralement dans la masse, je plonge dans la nasse, je me tasse au fond de cette marre mouvante sans pouvoir (vouloir) m'en dépêtrer. "Cracker Wrist" enterre à tout jamais Mogwai, en neuf minutes, ils parviennent à foutre plus de tension que les membres de plus en plus fumeux groupe de post-rock durant leur 4 ou 5 derniers albums... Le rythme cardiaque monte, s'accélère, volontaire, courageux, courant après la mort pour lui foutre sur la gueule, et finissant par l'abattre.
La fin du disque adopte un ton plus hypnotique, retrouvant même les sonorités orientales sur le final "Waynes Tune", qui, soit dit en passant, gagne 9 minutes dans sa version vinyle.
Au final, un disque étrange, forcément pénétrant, qui s'éloigne du post-rock de plus en plus académique, et qui n'oublie pas de faire des chansons, même de 20 minutes... Le but est ici de happer l'oreille, de la caresser à rebrousse poil mais pour mieux l'apprivoiser sur la longueur... Bref, Pardo Bond est un grand groupe inconnu, vivant dans l'ombre des groupes de post-rock à la mode, mais finalement, l'ombre sied sans doute mieux à leur musique que la pleine lumière.