DAVID GRUBBS - Espace B - Dimanche 09 Juin 2013
A croire que je les attire irrémédiablement. On m'avait prévenu: L'espace B, c'est sympa, mais ça commence tard. Effectivement, voici une heure que je poireaute en admirant le défilé improbable de bobos. Je croyais avoir atteint les sommets le soir du concert de BIRTHMAK: erreur! Là, j'ai le droit aux bobos de l'extrème, le Ushuaïa du mauvais goût assumé à mort "qu'en fait c'est fashion, mais tu peux pas comprendre!". Le point culminant de cette aventure reste probvablement le présentoir à lunettes affublé d'une robe à fleurs immonde visiblement refourguée par la costumière de "la petite maison dans la prairie". Mais il y en aura d'autres.
Nous sommes 30 dans la salle lorsque débute le set de "Idiot Glee". Je me dis: "Le pauvre, nous ne sommes que 30!". Au bout de cinq minutes, je me dis: "Pauvres de nous 30!". Je vais refiler mon Bontempi à mon gamin, il fera aussi bien. Sorte de pop synthétique répétitive jouée à deux doigts. Le bougre enchaîne ses ritournelles moches, truffées de fausses notes, de voix suraigües pleines d'écho et je me dis qu'après une heure et demie d'attente, je n'ai vraiment pas mérité ça. Je n'ai qu'à tendre le bras pour débrancher ses jacks et lui faire bouffer, j'avoue: l'idée m'a effleurée. Vite pénible, et vite oublié.
Entre ensuite Elia Orléans. Elle allonge les couches électro jusqu'à créer un climat étrange et dérangeant où se côtoient les ambiances atonales réverbées à l'extrême, en Pram, les premiers Laïka, le tout joué dans une cathédrale. J'aime beaucoup.
Arrive alors un trouduc à chapeau, l'air guindé qui s'installe devant tout le monde avec sa greluche pièce montée sur talons. Je laisse faire, je vois ce que je veux voire... David Grubbs passe au milieu de la foule qui s'est épaissie. Nous sommes une grosse cinquantaine. Il monte sur scène, et démarre. Je jubile. D'abord parce que David Grubbs fait parti des artistes qui me fascinent depuis de nombreuses années et puis parce que l'hidalgo d'opérette devant moi n'avait pas fait le lien entre son oreille droite et l'énorme baffle à côté duquel il est posté, visiblement pour faire plaisir à son baba au rhum de nénette. On ne joue pas les bonhommes quand on est taillé comme un cure dents. David Grubbs attaque fort et lui bousille sans vergogne le tympan. Le pénible de service est mis à mal. Ca frappe fort dès le départ, je suis dans mon élément, j'adore.
Il va à l'essentiel, resserre les arrangements de ses morceaux autour de deux guitares et d'une batterie. Il navigue entre les morceaux du dernier opus et les précédents, ménageant des temps de repos parfaitement agencés. Ce qui me bluffe le plus, c'est sa capacité à reproduire des schémas ultra complexes développés dans ses disques et qui me semblaient injouables. Il est tout sourire, il s'amuse visiblement comme un fou et fait monter la température lors des passages bruitistes absolument fantastiques. L'hidalgo n'a pas fini de me faire rire en prenant l'air agacé lors des passages plus doux où certaines discutent au fond. Hilarant, alors que la minute d'avant, il se tenait l'oreille gauche prenant apparemment très cher!
David Grubbs va jouer une heure et demi, me faisant palpiter à chaque seconde. Seul petit regret, il ne fera pas une seule de ses longues plages attentistes comme il en a le secret, mais la configuration scénique ne lui permet pas vraiment. Il finit en sueur et repart comme il est venu, au milieu de la foule. Certains oseront l'aborder, moi pas.
Je repars dans ma banlieue en écoutant son dernier album et en me disant: "Putain, c'était vachement bien!".