SUN KIL MOON (Mark Kozelek) - La Fleche d'Or le 13 février 2011
Il meulait hier soir, devant la salle… Enfin, la salle… Mon salon, pour un peu serait presque plus grand. La Maroquinerie n’ayant probablement pas pu être remplie, Kozelek se produisait hier soir à la flèche d’or. Coup de chance, la salle est à quelques encablures de chez moi, je décide donc d’y aller à pieds… Mais non, je déconne, j’ai pris ma bagnole. Ben oui, rentrer par chez moi, en transport, ce n’est pas bien raisonnable, surtout à une heure pareille. Il y a deux semaines deux cela, au bout de ma rue, un mec s’est fait dessoudé en pleine rue, certes pour un règlement de compte, mais tout de même. Du coup, même pour 3 kilomètres, je prends ma caisse. L’ami Oyster m’avertit : « Je suis à la terrasse d’un rade »… Après quelques retrouvailles et autres discussions, nous nous rapprochons dangereusement de la salle…. Et là, pas un chat. Déjà 19 h 30 ! Allons bon, le concert a été annulé ou bien ? Non non… Peu à peu, une file anarchique s’organise, mais il faut dire qu’au bout du bout, nous serons une petite centaine à s’amasser dans ce lieu original. Une ancienne station de métro (les rails sont encore à leur place) accueille une salle finalement chaleureuse.
N’empêche, point de chauffage à l’extérieur, et il commence vraiment à cailler. 20 heures pile, on ouvre les portes. J’entre le premier dans la salle… Enfin, le chiotte pour pygmée. Trêve de plaisanterie, je me place devant la scène, et une fois les places « réservées » je me rends aux toilettes… quand tout à coup, je tombe sur le gaillard qui vend les disques de Kozelek. Il ne parle pas Français, mais c’est étonnant comme je retrouve mes bases anglophones dès qu’il s’agit d’acheter des disques. Le LP « Nights » et le EP « I’ll be there » sous le bras, je reprends ma place que je ne vais plus quitter de la soirée. On regarde avec attention la scène. Une guitare classique, une pédale de réverb’, une chaise, de la flotte et une serviette. Voilà tout ce dont Kozelek a besoin. On sent tout de suite à la nuée de camions et de roadies qui suivent de près cette superstar pour préparer la scène. Petits sourires en voyant la serviette… Kozelek compte-t-il se dépenser comme un dingue sur scène… A l’écoute de son dernier opus, l’on est en droit de douter, mais bon, pourquoi pas. Après une petite demi-heure d’attente à discuter avec le sieur Oyster et un supposé Nantais, Mark Kozelek apparaît. Il déboule du milieu de la foule. Pose sa veste, s’assoit et commence. Ou presque. Pas de son. Allons bon. Il appelle au secours, mais le personnel de la boîte semble aussi compétent que nos ministres… Une jeune fille se pointe, tripatouille des boutons, sans résultat. Kozelek fait gentiment remarquer qu’elle est jeune et jolie, mais que bon, elle n’a pas l’air très au fait de la technologie. Finalement, il trouvera secours auprès de son « homme à tout faire », un gars qui le suit partout, avec appareil photo et qui semble à l’écoute de la moindre volonté du gars Kozelek. Ca tombe bien, en termes de volonté, Kozelek semble modeste.
Il entame son set avec une reprise d’AC/DC. Il fera d’ailleurs quelques reprises lors du concert, avec un hommage à Gary Moore (d’ailleurs, les chansons de Gary Moore sonnent mieux quand c’est Kozelek qui se charge de les chanter….). Il revient aussi assez longuement sur son dernier opus, et là, c’est la véritable claque. La voix, la présence, certes, mais putain, le jeu… Kozelek survole littéralement son sujet et maîtrise sa guitare d’une façon éblouissante. Les passages les plus techniques de ses morceaux courent sous ses doigts qui enquillent des arpèges, des demi-croches par grappes que l’on imagine reprises en studio des dizaines de fois avant de tomber sur la bonne version, et puis non, pas le moindre accrochage… C’est purement génial. Mark Kozelek est un grand guitariste. Pas un de ceux qui dévalent des gammes comme on dévale une pente neigeuse tout schuss pour se la péter devant des gonzesses, non, il sert sa musique avec technique et cœur. Et là, on comprend mieux la serviette. Il s’essuie les doigts entre chaque morceau… les cordes nylon, ça glisse. Il change d’accordage entre chaque morceau ou presque, avec une précision et une rapidité qui force le respect, réaccorde un poil pendant qu’il joue, et change même l’accordage pendant qu’il joue. Il ne fait qu’un avec son instrument, je suis ébahi.
Alors que sa musique peut parfois paraître austère, le bonhomme s’avère plutôt rigolard entre les titres. Il s’étonne ici de ne plus voir que des trentenaires, des quadra ou plus devant la scène alors qu’à l’époque des RED HOUSE PAINTERS, il y avait plein de jeunes et belles filles… Pour 44 ans, je suis encore pas mal, non ? J’ai perdu de mon sex-appeal ou quoi ?
Et sinon, vous venez d’où ? D’angleterre ? Ca va, ce n’est pas si loin se marre-t-il… S’il s’avait que j’ai fait 3 bornes pour venir.
Plus tard, il demandera en aparté une petite bière à son pote, parce que la flotte, ça va un moment.
Je suis maintenant assis sur le devant de la scène, Kozelek est à deux mètres de moi, à tout casser, je ferme les yeux… J’écoute, c’est tout bonnement magnifique. Il revient peu à peu sur ses années RED HOUSE PAINTERS, mais se concentre sur ses derniers disques. « Thank you, goodnight » et quitte brusquement la scène. Personne n’est dupe, il va revenir, il a oublié sa veste.
Et en effet, il revient. Il a déjà commencé à interroger le public pour savoir ce qu’il voulait entendre. Moi, je ne dis rien, je prends ce qu’on me donne. Trop heureux d’être là. Il se lance dans des reprises a capella des premiers RED HOUSE PAINTERS car sa guitare est « fatiguée »… Il est alors debout, fermant les yeux, marchant au hasard… Je pousse mes fringues car il manque de marcher dessus. Alors, sur mon écharpe, je m’en fous, mais sur mes disques, faut pas déconner ! Tout Mark Kozelek qu’il est, il se prend une tarte à 5 doigts s’il touche à mes disques ! Plus sérieusement, sa voix résonne seule dans la salle, on frise le recueillement, l’instant semble précieux. Mais il peine à se souvenir des textes… Il se marre, le public aussi. L’ambiance est chaleureuse. « Summer dress », Katy Song »… Et puis, bonheur, je n’osais pas l’espérer, il reprend sa gratte et nous envoie dans les étoiles. « Carry me Ohio », celle que j’espérais, en secret, dans mon coin. Les frissons dans le dos, et tout et tout… Le concert prend fin, après deux heures presque ininterrompues d’un bonheur partagé entre un mec, visiblement fatigué mais content de jouer, et un public respectueux et attentif (rarement entendu autant de silence en concert…). Je retournerais un peu plus tard vers le dealer de galettes pour finalement claquer mon dernier bifton… Oyster et moi reprendrons la route, toujours aussi froide, avec le sentiment d’avoir vécu un moment de partage et de douceur conviviale que j’ai rarement vécu dans un autre concert… Bref, magnifique.