Virgin Megastore: Chronique d'une mise à mort annoncée.
Hier, j'ai appris totalement par hasard que le magasin liquidait son stock. Si j'avais vu les scènes de liesse comme j'ai pu en voir depuis, je n'aurais sans doute pas fait le déplacement. Pour beaucoup, Virgin représente le capitalisme en mode culture, à l'instar de la Fnac, et c'est pas faux. Mais il est bien difficile de me réjouir de la chute de l'empire. Je me souviens encore, comme si c'était hier, le jour de ma première paye. Je me suis rendu aux Champs Elysées, et j'ai arpenté les rayons, avec mon meilleur ami, trois heures durant. A l'époque, le magasin représentait pour moi l'occasion de dégoter les disques que j'aimais, introuvables dans les rayons des Supermarchés. Certes, avec le temps, je me suis rendu compte qu'on trouvait mieux et moins cher ailleurs, qu'il valait mieux faire turbiner les indépendants que les grandes enseignes. Aujourd'hui, je me rends de moins en moins dans ce type d'enseigne car je n'y trouve quasiment plus mon bonheur, sauf à connaître personnellement l'un des employés, j'y reviendrai.
Je n'ai pas assisté au pire (ceux qui revendaient des articles à peine achetés, sans prendre le temps de sortir du magasin, ceux qui achetaient sans savoir pour le plaisir de revendre au prix fort sur Priceminister...), mais ce que j'ai pu voir m'a suffit. Les rayons en jachère, au trois quart vide, des articles posés là, au hasard car "merde, je sais même pas ce que j'ai pris....", des clients courant, et se marrant de l'aubaine. Des imbéciles aux répliques idiotes ("Putain, le Chiffre d'affaires qu'ils vont faire!!!". Sans déconner, il faut être né avec le bonnet sacrément vide pour dire une telle connerie. La vente à perte n'a jamais créée de bénéfices, même au Virgin!), et des regards vides, accrochés à côtés des sourires forcés et polis des employés. Car, plus que la mise à mort d'une enseigne, on assiste là à celle de l'emploi, et d'un métier, tué par l'industrie de masse, la vente de conneries à des crétins, par la course aux bénéfices sur le dos des consommateurs. Bref, il paraît que c'est la faute aux pirates. Possible. Je ne sais pas, je ne pirate pas. Pourtant, moi qui achète, j'ai, comme mes camarades, subi l'augmentation outrancière des disques. Un vinyle coûte aujourd'hui plus cher que les premiers CD, mais ça, tous les partis d'en face, ou presque, le passent sous silence. Je n'ai pas le coeur de remettre le débat sur le tapis.
J'ai fouillé le bac à vinyles, et puis j'ai croisé mon pote B. disquaire de son état. C'est l'amour de la musique qui nous a rapproché, lui vendeur, moi client. Et ce jour là, nous nous sommes retrouvés dans le même camp. Celui des clients. Mais lui connaît les deux camps car la crise touche aussi son enseigne. Le disque y est décimé au profit du tout numérique jusqu'au jour où, tout le monde ayant tout, personne n'aura plus besoin de rien. Clé sous la porte. On échange un peu sur nos trouvailles. On abrège. On sent le malaise. Il me conseille de jeter un oeil sur les indé. J'y vais, mais il y a tellement de monde que ça me saoule. La première fois de ma vie, à part à noël, que j'ai envie de me barrer d'un disquaire. Je ne vais pas aller au bout de mon rayon. Je m'étais fixé un prix. D'habitude, je réfléchis, je pèse dans la balance, je me dis: bon, lequel je repose??? Là, hors de question. Faut que je me barre. Jusque dans la file d'attente, je vais me demander si je ne vais pas me barrer sans rien prendre. Devant le caissier, c'est la confusion, la presque honte. "Bon courage pour la suite" ne puis-je m'empêcher de lui dire. Et je m'en vais. Une boule au ventre, avec, de surcroît, l'impression d'avoir participé à la mise à mort de cet endroit qui fût, à une époque, si important pour moi.
Je suis rentré chez moi sans triomphalisme. Certes, aujourd'hui, je fréquente rarement les disquaires. La crise, le net, je suis comme tout le monde. Et puis, mes disques, je les trouve chez "Souffle Continu", "Metamkine", ou "Ground Zero" et rarement à la Fnac et autres, mais tout de même, j'ai surtout eu l'impression d'assister, hier, à un monumental gâchis. R.I.P.