ROBERT WYATT & FRIENDS IN CONCERT
Après Soft Machine, et Matching Mole, Robert Wyatt, alors sur le point de pondre son nouvel album solo passe par la fenêtre. Faut dire qu’à l’époque, les ascenseurs tombaient souvent en panne. Bref, une fois en fauteuil, il décide de se consacrer à sa carrière solo et sort « Rock Bottom » produit par Nick Mason, batteur des Floyd pour qui ne le saurait pas. A cette époque, il donna un fameux concert, reprenant l’intégralité de « Rock Bottom » et quelques titres dont une fameuse reprise de « I’m a Believer ». Robert Wyatt, c’est probablement un des musiciens les plus complexe et passionnant du demi siècle passé, ni plus ni moins. Une musique aqueuse et lettrée, qui fait appel au rock, c’est vrai, mais surtout au jazz, et pas grand-chose d’autre de connu sur cette terre. Robert Wyatt fait, depuis toujours, une musique incroyablement originale et profonde. Les mélodies alambiquées, soutenues par cette voix aigüe et étrangement chancelante, s’enroulent lentement autour d’arrangements pléthoriques et longs en bouche. Oui, on n’entre pas chez Wyatt comme chez n’importe qui.
Il y a quelques années est sorti ce fameux concert où se croisent notamment Oldfield et Mason. Entre les délires qui frisent le free jazz, les silences qui frisent l’obsession, les arrangements qui frisent le firmament et les cheveux de Wyatt qui frisent, ce disque est tout bonnement fantastique. Trouvé plus ou moins par hasard, cette édition vinyle de toute beauté rend justice à ce concert sublime, le son est clair, pour ne pas dire cristallin, alors que la musique flirte parfois avec l’étouffement. Devenu double lors de son passage en vinyle, l’album enchaîne les morceaux sans laisser au public la place de s’exprimer ou presque. La pochette souffre malheureusement d’un accrochage sur le côté, repéré après ouverture, mais une fois passé ce détail, l’édition se révèle très belle. Un pressage en 180 grammes qui donne à entendre un son large, sans pour autant que celui-ci ne s’étale comme sur certains pressages.
Le concert se termine sur une reprise monumentale de « I’m a believer », et finit donc dans une euphorie générale qui contraste énormément avec la musique de Wyatt, souvent pleine de mélancolie, sans pour autant sombrer dans le pathos. A l’époque pourtant, fraîchement paraplégique, il aurait pu se laisser aller. C’eut été légitime. Mais non. Robert Wyatt va tirer parti de ce handicap en faisant une musique toujours plus intéressante, originale et singulière. Une musique qui s’écoute calmement. Sans faire autre chose, toutes oreilles ouvertes. Une musique qui s’écoute, tout simplement. Le reste de sa discographie, en groupe ou en solo, est souvent passionnante, preuve en est, son dernier album solo, « Comicopera », sorti en 2007. A noter que le label Domino réédite progressivement l’intégralité de son œuvre, où l’on trouve les indispensables « Shleep », et « Cuckooland ». Wyatt est un pur génie, méconnu du grand public, comme souvent.