JOHN MARTYN - Solid Air

Publié le par Esther

Le hasard est parfois merveilleux. Alors que je me trouvais au sein d’une brocante improbable pour des raisons sans intérêt, et que je ne voyais autour de moi que des fringues en lambeaux et des roues de bagnoles, mon attention fût détournée par un stand qui ne payait pas de mine. Une mamie, pressée de se débarrasser de l’encombrant vendait une poignée de vinyles, au demeurant sans le moindre attrait. Je me surprends tout de même à passer les galettes les unes après les autres en revue, enchaînant les « Au secours » et les « Oh la vache ! Elle a même çà ! », quand tout à coup, enclavés entre deux piles, surnagent deux disques. « Blonde On Blonde » de qui vous savez et dont je parlerai un autre jour, et « Solid Air », un chef d’œuvre signé John Martyn.

L’homme est mort en ce début d’année, dans l’indifférence générale. A commencer par la mienne, car, c’est vrai, je l’avoue, je ne connaissais pas cette âme sensible qui marmonne parfois des choses plus belles qu’un coucher de soleil passé dans les yeux de l’impossible (vous prendrez l’habitude de mes phrases qui n’ont aucun sens, ne vous caillez pas le lait !). Ici, on navigue presque à chaque minute entre le folk doux d’un Nick Drake, le jazz, et une sorte de pop psychédélique directement en provenance du début des années 70. Bon, en même temps, le disque est sorti en 1973. Cet ancien accusé de meurtre, élevé à Glasgow, aura une vie tourmentée et parfois violente, tout en contraste avec sa musique en tout point lumineuse. Tout à tour, il cassera une jambe à un membre du groupe « Free », aura un poumon percé, une vache transpercera son pare-brise, sera amputé d’une jambe en 2003…. Bref, une vie très rock’n roll pour un chanteur au romantisme fou et exacerbé. Il va influencer un nombre incalculable d’artistes, d’hier à aujourd’hui. Alors, voilà, entre deux craquements, on écoute, recueilli, cette suite magnifique et fragile de chansons taillées pour dire des choses sous la couette, comme autant de caresses, mais qui flirtent parfois avec la rupture. La rupture avec soi, celle où l’on sent bien qu’on ne tient plus qu’à un fil, barbelé bien sûr. « I’d rather be the devil » semble avoir germé d’un esprit tordu et tourmenté, alors que « don’t want to know » vous effleure pour vous convaincre d’être heureux de vivre malgré vos difficultés. Guitariste hors pair, il maîtrisait sa technique sans en faire étalage, l’apanage des plus grands… Bref, c’est un peu honteux que j’ai acheté ce disque, pour 1 €. Pressage d’origine, avec une pochette un peu usée, mais rien de grave. Le disque lui, est en parfait état, si ce n’est quelques grains de poussière qui rendent à l’ensemble une vie des plus honorables. Alors, honteux ? Oui, d’avoir acheté un disque si peu cher au regard de l’émotion qu’il distille. Honteux aussi de n’avoir fait sa connaissance que quelques mois auparavant, mais après tout, c’est toujours mieux que son probable destin. Car enfin, soyons lucides. Si je n’avais pas acheté ce disque, il serait retourné à la cave où il devait être et aurait fini par être jeté par une quelconque descendance, sans état d’âme, sans larme, sans cette seconde vie qui me réchauffe tellement le cœur.

 


John Martyn - May You Never
envoyé par newcanadian. - Regardez d'autres vidéos de musique.

Publié dans vinyle

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E
<br /> John Martyn,un maître mais combien comme ça,connus d'une poignée.Et si c'était aussi bien comme ça.<br /> <br /> <br />
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C
C'est effectivement un très bel album. <br /> Merci de l'avoir fait découvrir
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