BILL CALLAHAN - Live à la Gaité Lyrique

Publié le par Esther

Je voulais patienter. Laisser l’évènement mûrir un brin. Mais non, je n’y tiens plus. Hier soir, me voici rendu dans le troisième arrondissement, de ceux qui vous disent « fais gaffe où tu marches, va pas salir le bitume ». Chicos. En face de La Maison des Arts et des Lettres. Première fois, je crois bien, que je pose mes guêtres dans cet arrondissement. J’entre dans le bâtiment de la Gaité Lyrique. Bel immeuble, bel endroit. Je visite un peu jusqu’au moment où les mecs de la sécu qui feraient passer des armoires normandes pour des meubles de dinette, me reconduisent à la porte, avec beaucoup de gentillesse (sans ironie aucune !). « Excusez-nous, mais nous devons mettre en place le dispositif, et il faut patienter dehors. Ah ? Ok ! »

Il meule. Armé de mon bonnet et de mon Mp3, je patiente donc. Je suis le premier. « Excuse me… Thanx ! ». Putain, je le crois pas, Callahan en personne me demande de me pousser pour passer. Le gars entre, alors que moi, je poireaute ! Les gens sont d’un sans gène de nos jours !

J’attends un camarade de forum, qui finit par se pointer. A peine le temps d’échanger un « enchanté » que les portes s’ouvrent. Revue de détails : Une batterie, deux guitares. On papote un peu, on fait connaissance, puis la première partie entre en scène. Un mec seul avec sa gratte. Incapable de me souvenir du blase. Il joue avec les effets, forme des drones, sur lesquels il égrène ses arpèges bourrés d’effets, avec une sorte de chant irlandais. Pas mal… le temps d’une chanson, mais il étire inutilement ses compos, et les étouffe systématiquement sous les effets types wah-wah, en faisant des solos ultra techniques à rallonge. Bref, on s’ennuie vite. Un mélange étrange de troubadour et d’Hendrix, finalement guère convaincant sur la longueur.

Les lumières se rallument, changement de matos. A peine quelques minutes passent que Bill Callahan et ses deux musiciens entrent en scène. Guitare, batterie. Pas de bassiste. Je ne vais pas faire l’inventaire des morceaux joués, mais il va se centraliser sur les deux derniers LP, jouant, tout au plus quatre titres de la période Smog. Dés qu’il entame son set, Callahan est magistral. Je suis accoudé à la scène, mes fringues posées dessus car il commence à faire chaud. Il a une posture étrange. Droit comme la justice, ne lui manque qu’une paire de colts et il peu peut les chicanos dans un film de Léone. Le jeu est puissant, et inventif. Que ce soit Callahan ou ses deux musiciens, ils sont impressionnants. Le guitariste ne quittera pas des yeux son taulier, déchirant l’espace sonore de ses déflagrations sonores toujours biens placées, mais semblant être dans le doute permanent. En effet, Callahan mène clairement la danse et tout le monde regarde ses gestes… Enfin, tout le monde, pas tout à fait. Le batteur, littéralement époustouflant (mais j’y reviendrai) possède un regard inquiétant, voire limite psychopathe lorsqu’il se met à jouer… A un moment, il me fixe, et je ne sais pas trop s’il se concentre, ou s’il me défie.

Callahan est toujours aussi droit, et les morceaux s’enchaînent sans temps mort à part un accordage ou deux. Tout cela vit merveilleusement bien, une musique organique, près de l’os, à l’opposé des arrangements des albums. C’est probablement ce qui est le plus appréciable. Au moins, on n’a pas l’impression de s’être déplacé pour écouter l’album à l’identique en plus fort. Il entame « America » et là, ca s’envole pour de bon ! Gigantesque ! Il casse le rythme, se met à gigoter comme sur une marche militaire, et les musiciens explosent littéralement. Le batteur, qui joue pieds nus (Ah… C’était ça l’odeur !), se met à frapper sa grosse caisse sur son tranchant avec sa baguette d’une force furibarde qui fait limite peur à voir. On se dit que l’un des deux va finir par craquer, et franchement, on ne s’imagine pas le batteur perdre le duel. Celui-ci perdra, en début de set, ses baguettes, lors d’un élan un peu trop prononcé et c’est une spectatrice qui lui rendra.

Là, il enquille sur « Eid Ma Clarck ». Et là, c’est la claque. Au départ, on se dit « tiens, il s’est gourré d’accord… » Mais non, il ne joue pas la chanson, il la déstructure, s’emploie à la malaxer pour en faire autre chose, avec des accords improbables qui donnent l’impression de sonner faux tout en concassant la mélodie qui ne ressemble plus à l’originale. C’est d’autant plus passionnant !

La tension continue à monter, malgré quelques passages d’une belle douceur mélancolique. Le groupe débute alors un morceau que j’avoue honteusement ne pas avoir reconnu. Pourtant, c’est probablement le point culminant du concert. Une longue épopée, qui débute calmement, dans une douceur émouvant, explose tout à coup pour céder le pas à une montée sonique faramineuse, digne des meilleurs Sonic Youth. Le batteur part alors dans une sorte de solo free, alors que Callahan et son guitariste déploient leur énergie à déchirer la salle d’explosions distordues. Callahan pose alors un genou à terre à 20 centimètres de moi. C’est l’extase. Enfin, la pression retombe, et le morceau repart sur cette lente ballade.

Le rappel va s’avérer tout aussi excellent. Il termine, alors que le public réclame des titres ici ou là. Il répond non, systématiquement, explique vaguement qu’il ne peut jouer « Jim Cain » car c’est un accordage différent. Il hésite, puis attaque finalement une belle ballade, calme. Tout se termine paisiblement, Callahan salue, la lumière se rallument ! Waouh !

 

Les images qui suivent n'ont rien de commun avec ce que j'ai vu hier soir, mais c'est un bien joli concert...

 

 

Publié dans Concert

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